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La « décarbonation », de l’ordre des choses au mot d’ordre

Histoire d’une notion. Le terme « décarbonation », de plus en plus employé depuis les années 2000, est entré dans le dictionnaire Larousse en 2012. Aujourd’hui solidement enraciné dans le vocabulaire politique et social, il est devenu un mot d’ordre incontournable des politiques publiques liées à la lutte contre le réchauffement climatique, en France comme dans l’ensemble des pays industrialisés.
Le mot n’est pourtant pas aussi nouveau qu’on pourrait le croire. Le carbone devient omniprésent au début du XIXe siècle, sous l’influence des élèves d’Antoine Lavoisier (1743-1794). Rompant avec la chimie classique des trois « règnes » – animal, végétal et minéral –, ils font alors du carbone l’un des éléments fondamentaux de la matière. Il prend une infinité de formes – solide, liquide ou gazeuse – et se prête à d’innombrables usages. « Le diamant n’est que du carbone », concluent ainsi Bouvard et Pécuchet, les deux personnages de Flaubert, de leurs lectures de manuels de chimie.
Médecins et industriels parlent alors plutôt de « décarbonisation ». Pour les premiers, ce terme désigne un ensemble de processus vitaux liés au cycle de la matière : sous l’effet de la respiration, écrit Antoine-François Fourcroy en 1800, le sang « est disposé à s’oxygéner, s’échauffer, se déshydrogéner et se décarboner dans les vésicules pulmonaires ». Pour les seconds, il renvoie à des procédés techniques : on parle notamment de la « décarbonisation de la fonte » afin d’évoquer différentes techniques utilisées lors de son affinage.
Ces dernières décennies, la notion a cependant pris un sens plus large. Elle est devenue le signifiant d’une transformation non seulement économique, mais également sociale. En France, la stratégie nationale bas-carbone fournit une feuille de route pour atteindre la « neutralité carbone » du pays en 2050, en mobilisant tous les secteurs d’activité et en engageant collectivités publiques et citoyens à limiter leur « empreinte carbone ».
Le ministère de l’économie et des finances définit d’abord la décarbonation comme « l’ensemble des mesures et des techniques permettant de réduire les émissions de dioxyde de carbone ». Parmi elles, sont mentionnés l’arrêt du recours aux centrales à charbon, la suppression des véhicules à moteur thermique ou encore l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments.
Encore faut-il s’entendre sur la façon dont l’empreinte carbone est mesurée. Un rapport du cercle de réflexion La Fabrique de l’industrie, publié le 5 septembre, montre par exemple que si les émissions de CO2 sont évaluées par euro de valeur ajoutée, l’industrie allemande est nettement plus décarbonée que l’industrie française. Au contraire, l’écart se réduit nettement si l’on mesure par tonne, et il disparaît en prenant en compte les émissions induites par la consommation d’électricité.
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